Écrivain passionné d’histoire, Jacques Béal est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages dont de nombreux romans. Grand reporter et éditorialiste, notamment au « Courrier picard » durant trente ans, il s’est éteint le 30 octobre 2017. En mai 1991, il avait publié un fort bel article sur Micberth, à l’occasion de la parution du « Que sais-je » de François Richard consacré aux anarchistes de droite. Extrait.

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« Être dans le « Que sais-je ? », c’est pour moi le « nec plus ultra », dit-il, ajoutant : « c’est une revanche sur une enfance pauvre, où j’apprenais en lisant les « Que sais-je ? ». Mon rêve a toujours été d’entrer dans un « Que sais-je ? », d’être une référence. »

Dans ce livre, Micberth voisine avec Gobineau, Barbey d’Aurevilly, Léon Bloy, Drumont, Léautaud, Léon Daudet, Bernanos, Céline... Michel-Georges Micberth ne refuse pas la classification d’homme de droite : « Je suis un esprit libre. Oui. Je suis à droite mais pas comme le garagiste RPR, truqueur, voleur, combinard, ratonneur. Je suis un aristocrate libertin. Je suis pour le pouvoir des meilleurs, mais je n’ai jamais été d’extrême droite. »

Micberth s’est fait une réputation sulfureuse, à la dimension de ceux que l’on range dans la catégorie des anarchistes de droite, antidémocrates absolus et pamphlétaires redoutés. François Richard, auteur des « Anarchistes de droite », les définit ainsi : « Niant les utopies progressistes, ignorant « le sens de l’Histoire », rebelles à toute civilisation de masse, ils proclament haut et fort leur goût de l’honneur, leur volonté d’héroïsme et (paradoxalement ?) leurs aspirations libertaires. Ils sont les héritiers d’une tradition très ancienne qui les apparente aux baroques et aux libertins ».

Micberth fait son entrée sur la scène médiatique en 1963 en créant la J.F.P.F. (la « Jeune Force poétique française ») dont le président d’honneur est Louis Aragon. « Revendiquant 30 000 membres dans 40 pays, la J.F.P.F. était une sorte de syndicat des poètes. »

Micberth dit avoir toujours mené plusieurs activités de front. Cet anarchiste par vocation et par profession crée dans les années 60, le premier centre de sexologie intégré à un hôpital, à Tours, la ville de Jean Royer. « Psychologue de formation, j’ai découvert une affection psychosexuelle, la pseudomicrocaulie (l’angoisse pour l’homme d’avoir un petit pénis) ».

Mais c'est dans le pamphlet, dans l'agitation des idées jusqu'à l'outrance, qu'il trouve sa notoriété dans certains milieux. Il crée en mai 1968 le journal « Révolution droitiste ». Il a comme secrétaire A.D.G., qui fera par la suite une belle carrière d'auteur de la « Série noire ».

« A 25 ans, je me suis colleté à la quasi-totalité des institutions. » Micberth publie livre sur livre, maintient la grande tradition des pamphlétaires du début du siècle avec un style d’aujourd’hui : « Je suis un reître, un combattant des idées. Je suis redoutable. Je suis redouté. J’aime le style, le flamboyant. »

En juillet 1968, le Centre universitaire d’études micberthiennes est créé. Son but : « Rechercher et expérimenter de nouvelles bases littéraires, artistiques, scientifiques, pour un devenir mieux adapté aux exigences et aux besoins de l’homme. »

L’homme fait penser à Jean-Edern Hallier. Même goût pour l’alcool, les mets, les femmes. L’un porte ses excès dans sa maigreur (Jean-Edern), l’autre dans sa rondeur et sa jovialité (Micberth). (…. )

Exister semble être le souci de Micberth. Exister par les autres : « On m’a idolâtré pendant des années. Il y avait un papillonnage incessant de groupies autour de moi. Aujourd’hui ça ne m’intéresse plus. »

Micberth existe dans les anthologies, dans des thèses universitaires (une vingtaine lui ont été consacrées). Cette reconnaissance flatte son ego : « Je sais que c’est le comble de la vanité, mais j’aime savoir que je suis étudié dans certaines universités, que je suis copieusement cité dans les dictionnaires et dans les anthologies. On me reprend en grand tirage. »

Entouré par 12 000 volumes et protégé de l’intrusion d’indésirables par douze beaucerons, Micberth poursuit, jour après jour, dans son château d’Omiécourt, une oeuvre singulière, confidentielle. Façon de parler, car il avoue « ne jamais avoir le temps de se consacrer à son oeuvre tant il est occupé à vivre ». La faculté d’indignation est le moteur de cet aristocrate. « J’ai besoin de m’indigner constamment. Les gens qui sont incapables de s’indigner sont des gens morts. » Micberth est bien vivant.

Article de Jacques Béal paru dans « Le Courrier picard » du 3 mai 1991. Photos : Jacky Almeda.

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