Le journal « Le Monde », quotidien dit de référence, vient de fêter ses 70 ans (Premier numéro paru le 18 décembre 1944, daté du 19). Si depuis 1970, il a connu de nombreuses crises qui ont mis sa vie en péril, le journal de gôche a – curieusement – souvent ouvert ses colonnes à Micberth à la fin des années 1970 et au début des années 1980, reprenant régulièrement ses communiqués de presse, mises au point, prises de position, lui offrant même des tribunes pour exprimer ses idées. C’est dire ! D’où une certaine sympathie d’icelui pour le canard... En novembre 1984, il écrit dans « La Lettre » à propos de l’agonie du journal : « C’était à prévoir. On ne trahit pas l’intelligence, ou bien... elle se venge. On ne devient pas le journal officiel de la pire pantalonnade républicaine depuis Mac Mahon sans y laisser quelques plumes (lourde plaisanterie). Mêmes faussaires, les journalistes du « Monde » gardent un fond de morale, une culpabilité étrange bien utile à la presse sans foi ni loi. Bon on aura compris que j’ai une tendresse pour ce journal et que je serais triste de le voir disparaître, mais ce qui vient du diable retourne au diable. »

Il parachèvera le trait quelques mois plus tard, en dressant le portrait de l’un de ses rédacteurs qui le descend en flèche dans un livre intitulé « Les Hommes de l’extrême droite ». « Alain Rollat est épatant. Il possède les deux qualités indispensables pour réussir une brillante carrière de rédacteur au journal « Le Monde » : une plume lixivielle et une tête de parfait honnête homme. Le reste étant accessoire. (...) Il incarne le bon sens, la haute respiration, la course journalistique à longues foulées régulières. Il voit tout, rien ne lui échappe et il sait. Quand il parle, c’est à coup sûr, d’or. Sa faillibilité – s’il y a – se situerait à la périphérie de sa parfaite honnêteté, d’ailleurs unanimement reconnue alentour la rue des Italiens. Parangon à peine perfectible, taillé dès l’enfance dans un porphyre qui n’a pas même gardé la plus microscopique trace de ciseau. »

Entre nous, ne dirait-on pas le portrait craché d’Edwy Plenel (qui fut directeur de la rédaction de 1996 à 2004, ne l’oublions pas) ? (NDRL : Et pour ceux qui l’ignoreraient, le journal eut longtemps son siège au 5, rue des Italiens.)


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Il faut savoir qu’à la fin des années 1970, il n’y avait que deux possibilités : être de gauche ou bien prendre sa carte à l’UDR (jusqu’en 1976) puis au RPR. Et pour le reste des individus penchant vers la droite, le grand cabas appelé « l’extrême droite » était tout indiqué. C’est ainsi que Bernard Brigouleix publie en juin 1976 dans « Le Monde » une série nauséabonde sur l’extrême droite à la recherche d’un avenir, où il place, bien entendu, la Nouvelle Droite française et son dirigeant. Ce qui amène Micberth à réagir auprès du directeur, qui est alors Jacques Fauvet : « Devons-nous espérer qu’un jour vos journalistes sortiront un peu de leurs agitations fébriles et feront preuve de la plus primaire des honnêtetés ? Est-ce faire du journalisme que se contredire d’un jour à l’autre, jusqu’à ce que changement de mode s’ensuive ? » (Lettre du 16 juin 1976). Une mise au point est publiée quelques jours plus tard dans les colonnes du journal où l’on peut lire : « La NDF a toujours, dans ses prises de positions politiques, affiché le plus total mépris pour les mouvements extrémistes de gauche et de droite, ainsi que pour la droite traditionnelle. Elle prend ses sources dans l’anarchisme et le monarchisme, ce qui, a priori, pour les âmes simples, peut paraître contradictoire et prêter à confusion. »

C’est dit, mais le message passe difficilement chez les rédacteurs qui s’emmêlent les pinceaux et qui, selon l’humeur, qualifient Micberth de « monarchiste libertaire, anarchiste, élitiste, antirépublicain, antidémocrate... », au choix, et la NDF de « mouvement d’extrême droite qui se réclame du monarchisme libertaire » (tant qu’on y est...). « Quand on se pique d’être de grands démocrates et de grands libéraux, on laisse aux hommes qui en expriment le désir la possibilité de développer leur profession de foi. Après coup, chaque journaliste a le droit, voire le devoir, de critiquer, d’ironiser et de vilipender tout ce qui n’entre pas dans le cadre de sa réflexion logique sur le monde », écrit Micberth à Brigouleix (le 6 juillet 1976). Dès lors, ses communiqués, bien souvent à contre-courant du consensus, seront repris par le journal : « La démocratie indirecte telle qu’elle se pratique en France est une escroquerie morale. 7 à 8% des électeurs ont une connaissance honnête de la vie politique et sont à même de voter librement. Pour le reste, les confusions et l’indigence culturelle sont vertigineuses », peut-on lire le 25 mars 1977. Quelques mois plus tard, Micberth fera l’apologie de l’abstention à la télévision dans une Tribune libre qui est toujours d’actualité. Le cabas de l’extrême droite sera toutefois régulièrement ouvert par d’autres journalistes du « Monde » : Alain Rollat (déjà cité) qui publie un article odieux le 23 novembre 1980 sous le titre « Un leader pour les surdoués », ou encore Jean-Marc Théolleyre (et son obsession maladive) avec ses enquêtes et son livre sur « les néo-nazis ». Ils rencontreront Micberth mais n’en démordront pas ! Thierry Pfister, lui, fera exception et diversion avec son « été de la nouvelle droite » en juillet 1979.

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On ne peut parler du « Monde » sans citer deux personnalités de qualité (avec un zest d’honnêteté) qui ne furent sans doute pas étrangères à l’ouverture du journal : André Fontaine, rédacteur en chef de 1969 à 1985 et Bernard Lauzanne, directeur de la rédaction de 1978 à 1983. Appréciaient-ils la verve micberthienne ? Étaient-ils sensibles aux petites phrases qui faisaient mouche ? Étaient-ils intéressés par les idées de cet homme qui dénotait dans le paysage politique et parlait « juste » ? Quelques exemples de communiqués repris par le journal le laissent à penser : « On peut néanmoins se féliciter du départ des « grands méchants mous » (MM. Lecanuet, Poniatowski et Guichard) qui ont, plus encore que les autres, durant les derniers mois, offert aux Français un affligeant spectacle » (1er avril 1977, après un remaniement ministériel) ; « Une fois de plus, la montagne a accouché d’une souris. En fait, cette participation militaire effective sera limitée dans le temps. » (15 avril 1977, à propos d’une intervention au Zaïre) ; « M. Raymond Barre a été en toute occasion le moins mauvais du pire. Gérer l’incohérence représente une prouesse quotidienne que le détracteur professionnel serait le plus souvent dans l’incapacité d’assumer. Dans une barque qui prend l’eau de toutes parts, ce n’est pas la qualité d’esprit de l’occupant qui fait priorité mais son énergie à écoper vite et fort pour éviter le naufrage. » (26 août 1980, à propos du 4e anniversaire de R. Barre au poste de Premier ministre) ; « Mme Garaud a fait preuve d’indigence intellectuelle. » (24 septembre 1980, après une intervention au Club de la presse) ; « Le 7 octobre 1980, des centaines de milliers de personnes ont fait renaître en France et pour des décennies, l’antisémitisme. » (9 octobre 1980, après l’attentat de la rue Copernic) ; « Et comme M. Vial se couronne avec complaisance, je lui suggère de changer de sigle, d’éliminer GRECE et de choisir, par exemple, MONACO (Mouvement des oligophrènes nains attentifs aux coups obliques. » (2 mai 1981, dans le débat sur la nouvelle droite).

La palme revient sans doute à ce dernier exemple d’une déclaration qui, si elle n’étonne plus aujourd’hui où le bashing est devenu « tendance », doit être replacée dans le contexte d’alors : « Le président de la République française est un imbécile. Il vient de le confirmer à l’occasion de sa courte prestation télévisée. Un gouvernement qui avait trouvé en M. Badinter le protecteur privilégié des assassins de l’intérieur ne pouvait que mettre son armée à la disposition des assassins de l’extérieur. L’O.L.P. est responsable directement et indirectement de dizaines de milliers de victimes innocentes. Les familles des victimes apprécieront la décision de M. François Mitterrand. » (« Le Monde », 22 septembre 1982).

Ah ! Que le monde était beau !

 Sources : correspondance inédite Micberth journal « Le Monde » et articles de presse 1976-1982, « La Lettre » (1984-1985).