Le 27 mai 1974, le peuple français élisait Valéry Giscard d’Estaing vingtième président de sa République, au grand dam de François Mitterrand, battu d’une courte tête. Quarante ans plus tard, les Français jugent VGE « avec bienveillance ». Il est vrai que dans le marais actuel son discours paraît sage, lumineux, intelligent. Comme l’écrit justement Alain Duhamel : « Il avait su faire passer un air de jeunesse, de nouveauté et même d’allégresse ». Même M.-G. Micberth (qui pourtant sera embastillé en août 1974) déclarera dans La Lettre (octobre 1984) : « Giscard fut le meilleur président de cette chienne république ».

Lorsque VGE se représentera, en 1981, il bénéficiera du soutien inattendu de Micberth et de la Nouvelle Droite française. Toute la presse (même L’Huma et Le Canard enchaîné, si si !)) se fera l’écho du communiqué alors envoyé à l’AFP « La Nouvelle Droite française demeurera résolument extérieure à ce foirail électoraliste et appliquera comme toujours une tactique d’abstention. Mais à l’adresse de nos sympathisants, nous recommandons à tous ceux qui se révèlent soucieux d’une certaine efficacité conjoncturelle, de déposer dans l’urne un bulletin blanc ou de voter pour Valéry Giscard d’Estaing. Nous ne contresignons pas à deux mains la gestion libérale giscardienne, mais nous la préférons – et de loin – à l’inexpérience socialo-communiste et au songe sinistre du collectivisme ». (Dépêche AFP du 12 mars 1981). Micberth, qui avait le sens de l’autodérision, s’était alors caricaturé dans un dessin illustrant « Les trois coups de la NDF », appel aux militants et sympathisants publié dans Révolution droitiste d’avril 1981.

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Et Mitterrand fut couronné. « Au revoir » Giscard ! Le texte ci-dessous illustre l’avènement du « Mandrin de l’Observatoire », que Micberth ne cessera de combattre. Ce pamphlet donne également un bon éclairage sur sa vision de la démocratie et du suffrage universel.

 

A la recherche du temps perdu

Du côté de chez Zouave

 

« Les pauvres ont bassiné la couche élyséenne pour que le Mandrin de l’Observatoire pète enfin dans la soie. Je me dois d’être grossier pour me distinguer du vulgaire. C’est en fait une bien belle prouesse que de tenter de se hisser hors les éclaboussures de la gadoue socialiste. Exploit essentiellement sportif dont nous serons peu à nous honorer. Gadoue ou virus filtrant, je ne sais plus au juste car il semble que du manouvrier au maître des forges la contagion ne puisse être enrayée. Sévère pronostic !

Point besoin d’une réputation de pieux marabout pour dénoncer la veulerie du peuple de France. Je le fis allègrement, sur les écrans TV il y a quelques années et je m’en félicite aujourd’hui. Vive Blum-Blum (tralala !) ! Vive Pétain ! Vive De Gaulle ! Et enfin vive Maroufle ! On connaît la chanson...

Après quatre années de maturité politique (situons ça vers les 22 ans), un démocrate ne peut être qu’une damnée fripouille ou un sinistre imbécile. Ce qui revient au même lorsque sa voix détermine le sort de ses semblables. Mon cynisme m’aide à éprouver une certaine sympathie pour les petits malins qui ont su à l’aide de vieux slogans resucés ou mâchonnés se lover confortablement dans la chaude panerée des sinécures de l’Etat républicain.

Soyons sérieux, car comment une France assoupie par une sieste digestive, signe banal de son opulence, a-t-elle pu s’infliger une pareille punition ? Voyons, escamoter Giscard et Barre pour faire apparaître nos deux comiques Mitterrand et Mauroy, cela revient à se coiffer de ses excréments au motif que la chapellerie française n’est plus ce qu’elle était.

La nostalgie, le rétro, voilà l’astuce ! Ah ! Cette France plongée dans les guerres coloniales jusqu’au béret vert ! Ce lait chaud écoeurant que l’on sirotait de force devant nos abécédaires en louant le bon Mendès et cette inflation galopante, mon gentil Monsieur, qui nous donnait aux yeux de la communauté internationale ce petit quelque chose de futile et de poétique : la césure (baguette cassée – pliée en deux sous le bras). De l’esthétisme aussi, ces vraies têtes de médiocres bien significatives de la France profonde, le coeur chez Jaurès et le porte-monnaie chez Poujade.

Nos enfants se devaient de vivre cela. Nous l’avions bien (!) vécu. Jusqu’à ces dernières semaines, je considérais ce lieu commun, « le poids des années », comme un joyeux cliché d’écriveurs. Depuis le mois de mai, j’éprouve physiquement cette pesanteur, je me sens alourdi par l’incommensurable connerie des hommes.

La ferveur populaire n’aurait-elle pu hisser sur le pavois un enfant de vingt ans, candide et chaleureux ? Si cela avait été, j’aurais souri à la passion soudaine et pardonné ce coup de coeur. Mais enfin, de quelle psychologie tordue est composé l’esprit du Français pour glorifier ce triste Mitterrand ? De quelles entrailles rongées de chancres faut-il souffrir pour désirer ce vieux perclus, revenu de toutes les combines les plus boiteuses de la politique de ces trente dernières années ? (Micberth in Révolution droitiste n° 8, septembre 1981)

 

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