« Nietzsche rêve de ces gentilshommes nouveaux, moitié penseurs, moitié hommes d’action, qui ne seront pas populaires, qui ne pourront que faire horreur par leur dureté, leur orgueil et leur morgue, dans un monde orienté tout autrement, mais qui mèneront leur groupe humain vers la grandeur. Ils auront à faire de rudes besognes d’épuration et d’émondage ; descendant dans les marécages de la pensée basse et vulgaire, de la dégénérescence physique et mentale, ils risqueront parfois de périr de dégoût et de pitié, si leur coeur trop tendre est encore capable de ce sentiment. » (Geneviève Bianquis. « Nietzsche : par-delà le bien et le mal »)

 Micberth avait choisi cette citation en introduction de sa Tribune libre « Vers une nouvelle droite » diffusée sur FR3 le 20 avril 1976. Il était alors invité en tant que directeur politique de la Nouvelle Droite française, mouvement créé dans la clandestinité trois ans plus tôt, qui sortait enfin de l’ombre pour une campagne de « communication » dans la presse écrite, à la radio et à la télévision.

Pourquoi créé dans la clandestinité ? C’est que le but avoué de son fondateur était la destruction de l’Etat républicain et que le dépôt officiel de ses statuts à la préfecture n’était pas envisageable. Une association libre (selon l’article 2 de la loi du 1er juillet 1901) avait donc vu le jour.

Nous ne citerons pas ici intégralement les premiers statuts de la NDF, qui figurent par ailleurs dans le manifeste « Révolution droitiste ». Précisons que parmi les buts énumérés, figuraient entre autres les préceptes suivants :

Dénoncer en toute occasion la falsification de l’Histoire de la France entreprise par les idéologues républicains. Démystifier la propagande qui sous-tend la pédagogie officielle

– Provoquer partout où ce sera possible la désobéissance civile

– Pratiquer une infiltration idéologique permanente qui hâtera le dysfonctionnement des institutions républicaines, le pourrissement de tous les secteurs publics

– Agir sur les mentalités de nos contemporaines pour accélérer dégoût et mal vivre propres à notre modernité

– S’efforcer de faire régner une nouvelle sagesse universelle qui ne soit pas une morale de la résignation et du sens commun

– Développer et préserver à tout prix une élite qui s’interdise d’asservir l’homme, mais qui soit capable de répondre aux exigences immenses de ce temps.

Il était entendu qu’accentuer le délabrement des êtres et des choses, suite à l’échec de l’aventure républicaine aboutirait à « un état pré-révolutionnaire favorable à la morale néo-droitiste, c’est-à-dire à la résurgence d’une humanité aristocratiste ».

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Lorsqu’elle naît et devient publique deux à trois ans plus tard, en pleine ascension de la gauche, la Nouvelle Droite française est saluée par des haussements d’épaules et des ricanements. Comment peut-on oser se dire de droite ? Pour Micberth, la société massifiée qui s’annonce déjà est un consortium de bavards et d’assistés en passe d’étouffer toutes les forces vives du pays, au profit de revendications maximalistes et de refrains d’utopie. Le terrorisme égalitaire qui sévit alors, notamment dans l’enseignement, fait peser sur l’avenir un handicap géant.

A la question : « Qui, aujourd’hui, est vraiment de droite ? », il répond : « Est vraiment de droite à notre époque, celui qui refuse le sens de l’histoire, qui n’admet pas la démocratie indirecte, la République bâtie sur les cadavres de centaines de milliers de Français ; qui nie en bloc les lois républicaines, la Constitution, les institutions bricolées par les petits-enfants de Robespierre et rejette en fait le dieu-peuple. »

« Est vraiment de droite celui qui place l’homme dans son unicité originelle, même s’il doit pour ce faire refuser le groupe. Celui enfin qui admet le droit à la différence (NDLR. Ce fameux « droit à la différence » qui sera attribué à F. Mitterrand après 1981, a bien été réclamé par Micberth et la première fois dans « Le Quotidien de Paris » du 7 novembre 1975 très exactement.)

« Nous voilà loin des images d’Epinal brossées à grandes giclées de balai hygiénique par la gauche marxiste qui, elle, annihile l’homme au profit de l’Etat souverain. »

« Historiquement, l’homme de droite est réfractaire à tous les pouvoirs. Il consent à l’obéissance légitime, il se révolte ou il meurt.

« En 1976, seule la destruction des institutions lui importe. Ni dieu, ni maître, ni Marx est sa devise. Il est pacifiste et révolutionnaire. Je parle de révolution des consciences, bien entendu. »

A la question : « Votre mouvement m’apparaît plutôt philosophique que politique. Votre vision d’un éventuel devenir de l’homme n’est-elle pas utopique ? », Micberth répond : « Toute école philosophique devient mouvement politique quand les hommes qui l’animent s’engagent dans l’action directe, paient de leur temps, de leur liberté et parfois de leur peau, pour le seul triomphe des idées. (NDLR : Micberth a effectivement payé de sa liberté à Fresnes, en 1974 et les membres alors médiatisés du bureau politique ont subi des tracasseries « administratives » dont ils subissent les répercussions en 2013), « Tristan Bernard disait : Je ne hais que la haine » ; et moi j’ajoute : « Je ne hais que ceux qui ne savent plus haïr ». Il est inconcevable d’accepter, d’accepter encore, d’accepter toujours !

« La servilité nous dégoûte. C’est pourquoi nous prônons l’apologie de la désobéissance. Désobéir devrait être un réflexe permanent chez l’homme, et cela dès l’enfance. Si malheureusement, il nous faut des idoles, autant qu’elles soient étoffées, qu’elles aient du panache. »

« En voilà assez d’obéir à de pâles humanoïdes, pantins orgueilleux, articulés par quelques rusés qui se tiennent dans l’ombre !

« Utopiques, bien sûr que nous le sommes ! Passionnément. C’est l’un des derniers droits qui nous reste. »

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Lorsque le très parisien « été de la nouvelle droite » éclate, en 1979, la NDF a déjà six ans d’âge et les idées de son fondateur font leur chemin. « Cette sortie en fanfare de la crypte a influé sur notre stratégie. En quelques mois, l’actualité nous fit risette. », écrit Micberth. « L’essentiel, pour nous, fut de constater qu’une partie de nos idées trottinait autour du monde et qu’ici, en France, le gouvernement s’en inspirait. »

« Micberth veut reconstruire la France sociale et politique selon un ordre aristocratique » écrit François Richard, qui précise : «  Une méritocratie, en quelque sorte, seule forme de gouvernement acceptable, selon lui, parce que toujours susceptible d’être remise en question en fonction des résultats obtenus par les gouvernants et de leur capacité à faire face aux situations les plus critiques. »

Il est certain que la démocratie demeure une religion officielle qu’on ne saurait remettre en question voire critiquer tout simplement sans s’exposer à la réprobation générale ou à l’exclusion. Ce fut le lot de Micberth durant toutes ces années de combat pour une nouvelle définition de la droite. A la question : « Et ne croyez-vous pas que cet anarchisme de droite dont vous vous faites le porte-parole, peut s’entendre comme une résurgence du fascisme », il répondait : « Oh que non ! Mussolini est sorti de la gauche. Nos professions de foi balaient d’un coup tous les tenants des ordres nouveaux, les nationaux-socialistes, les fascistes de guinguettes, tous ces jocrisses bigarrés inconsistants, récupérés à la première occasion par le monde de l’argent. »

Et si l’on ajoute que les notions d’excellence, de légitimité, d’exemplarité sous-tendaient les bases de cette nouvelle droite, on comprend qu’elle ait connu beaucoup de détracteurs. La Nouvelle Droite française disparut officiellement en 1986. Pour retrouver ses préceptes et enseignements, il existe un essai (« Révolution droitiste ») de nombreux articles, (Révolution droitiste, le Nouveau Pal, presse nationale quotidienne et hebdomadaire), entretiens (FR3, Nouvelle Elite vidéomagazine, chroniques (Radio Philalèthe) sur lesquels nous auront l’occasion de revenir.

 « L’homme de coeur et d’esprit, l’aristocrate de conviction, parle de ses devoirs ; cette lie nous rebat les oreilles de ses droits. La nullité du plus grand nombre est une insulte à l’individu intelligent autant qu’à la civilisation ou à l’histoire de l’évolution savante appliquée à la vie quotidienne des communautés humaines. » (Micberth, préface à « Petite Somme contre les gentils »)

 

Sources :

« Dix ans après Révolution droitiste » (M.-G. Micberth, F. Richard, 1991)

« La Nouvelle Droite française a dix ans » (Dossier de presse, archives NDF, 1983)

« Petite Somme contre les gentils » (M.-G. Micberth, 1995)

« Pardon de ne pas être mort le 15 août 1974. De Mai 68 à l’affaire des chèques Pompidou » (Micberth, 1977).

Allocution télévisée de M.-G. Micberth « Vers une nouvelle droite », 20 avril 1976, reprise sur Dailymotion.