Les années 1980

« Révolution droitiste » et « Le Nouveau Pal »

La fin des années 1970 et le début de la décennie suivante seront marqués par le développement de la NDF (mouvement créé en 1973 par Micberth), après « l’été de la nouvelle droite » déclenché par Thierry Pfister. Micberth donne alors de nombreuses interviews dans la presse nationale. Les formules efficaces et petites phrases assassines qui fleurissent dans ses communiqués de presse font florès et sont reprises avec délectation par les médias. Ainsi, le très sérieux journal « Le Monde » (pour n’en citer qu’un) confirme « l’indigence intellectuelle » de Marie-France Garaud, répète que Raymond Barre a bien été « le moins mauvais du pire » ou encore que « le président de la République est un imbécile ». En février 1981, paraît le journal « Révolution droitiste », support des idées fondamentalistes de la Nouvelle Droite française dans un premier temps, où Micberth apparaît peu. Puis, le changement de président de la République aidant, le ton change et prend un tour résolument provocateur et pamphlétaire à partir du numéro 8 (septembre 1981). Le billet d’humeur où Micberth commente l’actualité culturelle, politique et sociale, devient « Le coin du mec super débranché » dans une feuille de combat où il radicalise ses positions et frappe de tous côtés : Mitterrand, Mauroy, Edmond Maire, la droite ratapoil, etc. « Les pauvres ont bassiné la couche élyséenne pour que le Mandrin de l’Observatoire pète enfin dans la soie. Je me dois d’être grossier pour me distinguer du vulgaire », écrit-il dans un billet titré « A la recherche du temps perdu. Du côté de chez Zouave ». L’avènement du socialisme est l’une de ses cibles également à la télévision quand il enregistre pour FR3 une Tribune libre au titre évocateur : « Prout, caca, boudin ou l’Etat socialo-communiste », qui restera dans les annales mais sera (on s’en doute) sa dernière intervention télévisée. « Un peu de parano : l’anthologue et l’historien écriront plus tard que j’ai été le premier politicien scatologique de la télévision. Je revendique cet honneur. C’est facile, mais je le dis quand même : « Mieux vaut être le premier à parler de merde à la TV que le dernier, comme M. Mitterrand, à faire choir dedans ses concitoyens. »

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En septembre 1982, « Le Nouveau Pal » remplace « Révolution droitiste ». Micberth écrira quelques années plus tard : « Le Nouveau Pal » puait l’enfer. De plus, il avait de la gueule. Accrocheur par ses titres provocants, rédigé comme presque plus personne n’écrit aujourd’hui, il avait le mérite et le rare privilège d’être dévoré de la première à la dernière ligne et souvent par vingt lecteurs pour un seul exemplaire. » Le journal, généreusement envoyé en service de presse à l’Assemblée nationale est alors apprécié de certains députés qui demandent néanmoins un envoi discret sous pli fermé. Les dessins (tout aussi violents que les propos) qui illustrent les articles sont également dus au talent de Micberth, sous le nom de Freulon, répondant à sa volonté de heurter : « Nous dégoûtions et cela nous ravissait. La volonté d’être unanimement exécrables nous animait de son feu scintillant. Le mépris des imbéciles fut souvent un bienfaisant réconfort et notre seul salaire. »

 « La Lettre de Micberth »

En 1984, Micberth lance « La Lettre », brûlot mensuel qui sera unanimement salué par les professionnels de la presse et des médias. Michel Polac (émission Droit de réponse, 2 mars 1985) reconnaît là « un style extraordinaire. C’est tonique », Jacques d’Arribehaude (« Le Bulletin célinien ») affirme que « Tant de verve et de si haute tenue, ne peut que mettre en appétit, mais il s’y mêle aussi, tout comme chez Bloy, des pages d’émotion, de gravité poignante, de poésie pure qui témoignent d’une souveraine maîtrise de style dans une langue merveilleusement vivante. » Le but de Micberth est alors de faire entendre son indignation avec une totale liberté et de redonner au pamphlet ses lettres de noblesse ; le combat des idées par la dérision. Car l’humour est pour lui une arme essentielle qu’il maniera avec dextérité toute sa vie. Ses éditos, billets, articles de fond, parus d’octobre 1984 à avril 1985, sont d’une grande drôlerie. Il s’attaque sans réserve au monde de la politique, du spectacle, de la presse. Il dénonce à tout va, il explique l’inadmissible, le mensonge, il prévient du danger.

Le rédacteur en chef de « L’Echo des savanes » le mettra au défi de trouver cent aphorismes pour cent mots choisis par lui en un temps record. « Il y a quarante ans qu’il s’adonne au jeu de massacre verbal à la tronçonneuse », écrit le journaliste chargé de préparer l’article pour le magazine (n° 27, avril 1985). Quelques exemples : « Pivot : Plante ornementale qui fleurit chaque vendredi pour donner de toutes petites graines somnifères » ; « Platini : On the rocks ; célèbre marque transalpine d’apéritif » ; « Franc-maçon : Ouvrier vertueux ou adepte d’une religion sociale aussi nulle que secrète » ; « Piccoli : Sex-symbol pour garde-barrières, ex-petit ramoneur de la péripatéticienne communiste de la chanson ».

Avec « La Lettre », Micberth a abandonné le style mèque des années 1970 lorsqu’il interpellait le lecteur, le tutoyait. « Cette fois, écrit François Richard, la maîtrise du pamphlétaire est totale ; le style est vif, concis, efficace, la langue est dense, le ton inimitable, grâce à un savant mélange de rudesse, d’insolence, d’humour et de déchirement. »

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Extrait de « La Lettre » de novembre 1984. « Ce petit curé crotté »

« Flash-back... Me voilà trente ans en arrière : petit merdeux idéaliste, je cracherai dans mes mains et au nom de la Sainte-Croix j’irai de par le monde guérir les écrouelles et évangéliser l’aborigène. Le Bantou, surtout, avec sa bonne tête d’oligophrène qui ne demande qu’à recevoir le bon Dieu pour vivre serein et heureux dans la lumineuse clarté du Seigneur.

« Et puis, et puis... l’abbé Pierre, comme Zorro, est arrivé. A nous autres, petits merdeux de Dieu, micropèlerins de l’absolu, il nous a dit : « Finis les regards au-delà de l’Atlas, balayez l’exotisme de vos têtes, le boulot est là dans cette France d’après-guerre, vous marchez sur les pauvres sans vous en rendre compte ! »

« Et on a tous retroussé nos manches. Avec un enthousiasme que je ne saurais décrire aujourd’hui. Ce que j’ai fait ? Je l’ai oublié et là n’est pas l’important, je devais le faire.

« Je me souviens mieux de mes rêves. De l’extraordinaire amour que j’éprouvais pour ce petit curé crotté. De toutes mes aventures imaginaires à ses côtés.

« Je me vois encore arpentant les bidonvilles avec, au-dessus de la tête, une auréole presque aussi astiquée que celle du saint abbé.

« Ah ! qu’est-ce que j’ai pu les adorer mes frères crouilles, pauvres, nègres, malades, infirmes, mes soeurs putains. Bref, je m’en suis tellement mis jusque-là d’indigence, de misérabilisme et de charité chrétienne que je m’en suis dégoûté pour la vie. »